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OUI, un parent peut contraindre légalement son enfant à l’assister
Un internaute sur X (ancien Twitter) fait savoir, lors d’un débat sur le sujet, que l’enfant a l’obligation de solidarité envers ses parents et qu’il portera plainte si son enfant ne l’assiste, suscitant un vif débat.
Plusieurs d’internautes se sont alors demandés si un parent pouvait porter plainte sous ce motif.
Stopintox a vérifié pour vous. La réponse est : OUI
Le 02 mai 2024, le compte X intitulé Assi Marotchi, BEPC a fait une publication pour dire que lorsqu’un enfant est grand, il doit assister obligatoirement ses parents. « Si mon enfant grandit et ne m’assiste pas si je suis dans le besoin, je vais déposer plainte. Le tribunal va l’y obliger. Il n’est pas obligé de m’aimer, mais c’est son obligation de m’assister », écrit-il. Le contenu de la publication est diversement apprécié par les followers en commentaires et a surtout suscité un vif débat sur la toile. D’aucuns se demandant si cela est possible dans notre contexte.
Que dit la loi ?
Assister son parent : plus un devoir moral que légal
Il ressort de l’avis des experts consultés que la publication fait apparaitre en substance le devoir légal et le devoir moral de l’enfant vis-à-vis de son parent. De notre échange avec KUE NTIOGHENG Ghislain, juriste spécialisé en droit privé et notaire stagiaire, il ressort que la loi n’est pas contraignante sur l’obligation morale de l’enfant par rapport à son parent. « En droit positif camerounais, aucune disposition légale ne rend coercitive l’obligation naturelle de prendre soin de ses parents ou des frères et sœurs. D’où la grande différence entre l’obligation naturelle (sans coercition) de l’obligation légale (avec coercition) », déclare-t-il.
Contacté sur la question, Francis EBANDA, juriste, spécialiste de droit public pense que la publication pose le problème de la morale et estime que c’est un devoir pour l’enfant d’assister ses parents indigents. « Cela relève de la morale. Mais, l’enfant a le devoir d’aider ses parents indigents », réagit-il.
Le parent peut effectivement contraindre légalement son enfant à l’assister
La disposition est contenue dans le code de procédure pénale camerounais. L’article 180 dudit code qui parle de la pension alimentaire dans son alinéa 1 stipule que : « Est puni d’un emprisonnement de un (01) mois à un (01) an et d’une amende de vingt mille (20.000) à quatre cent mille (400.000) francs ou l’une de ces deux peines seulement, celui qui est demeuré plus de deux (02) mois sans fournir la totalité de la pension qu’il a été condamné à verser à son conjoint, à ses ascendants ou à ses descendants ».
Nous nous sommes par la suite rapprochés des experts du droit pour avoir une interprétation de la disposition de la loi ci-dessus, au regard de la publication qui fait l’objet de la rédaction de l’article. La juriste NAFISSATOU Nana, spécialisé en droit privé (criminologie) apporte les explications de cet article 180 du code pénal. Selon elle, « le parent indigent doit d’abord saisir la juridiction compétente statuant en matière civile pour obtenir une décision condamnant son enfant à lui verser une pension alimentaire ou à s’occuper de lui. Une fois que la décision a été rendue en faveur de ce parent, l’enfant doit lui réserver alors chaque mois la somme fixée par la juridiction. Maintenant, si l’enfant refuse de payer la pension fixée par la juridiction civile ou a commencé à payer mais s’est désisté par la suite (deux mois au moins écoulé sans payer), le parent indigent, peut à l’aide de la décision civile condamnant son fils saisir le juge pénal sur le fondement de l’article 180 du CP. Ça c’est l’explication terre à terre de l’article susmentionné », décrit la juriste.
Une interprétation à laquelle souscrit maitre Charlotte TCHAKOUNTE. Joint au téléphone, l’avocate au barreau du Cameroun depuis 27 ans explique « ici, le code pénal parle d’un cas où il y a déjà eu une décision de justice. Il s’agit d’une personne qui a été condamnée par un tribunal pour payer la pension alimentaire à ses parents, à son conjoint /sa conjointe ou alors à un enfant. Si elle viole la loi pendant deux (02) mois, ça devient une infraction. Mais s’il n’y a pas de décision de justice, il n y a aucune base sur laquelle on va aller attraper l’enfant pour lui dire de payer la pension. Un enfant qui a les moyens et qui n’a aucune raison d’abandonner son parent peut être forcé à le faire mais il faut au préalable qu’il ait déjà été condamné.»
Selon l’avocate, si l’enfant ne respecte pas ou s’organise pour ne pas payer, l’alinéa 2 du même article 180 du code pénal intervient. Celui-ci précise que « le défaut de paiement est présumé volontaire, sauf preuve contraire, mais l’insolvabilité qui résulte de l’inconduite habituelle notamment de l’ivrognerie, n’est en aucun cas un motif d’excuse valable pour le débiteur.»
«Une personne qui est condamnée peut par exemple choisir de quitter son emploi juste pour ne plus payer la pension, c’est une insolvabilité organisée. A ce moment, partout où on l’attrape, on le met en prison car il a choisi de ne pas être solvable, de ne pas s’occuper d’un membre de sa famille », précise maître Tchakounté, ceci conformément à l’article 181 du code pénal qui parle d’insolvabilité organisée, et qui punit d’un emprisonnement de un (01) à cinq (05) ans, celui qui, après décision de justice, même non définitive, portant condamnation pécuniaire, organise son insolvabilité.
Toutefois rappelle l’experte, il peut arriver aussi que l’enfant soit solvable et refuse de payer la pension, si par exemple il est prouvé que quand il donne de l’argent, son père va boire avec. Il peut arrêter de payer mais s’organise autrement pour que le parent ait de quoi manger. Aussi, si l’enfant fournit des aliments au père ou à la mère et il ne prend pas et demande plutôt de l’argent, l’enfant a le droit d’arrêter.
En conclusion, l’on peut retenir qu’il est important de différencier le devoir moral du devoir légal d’un enfant envers son parent. Le devoir légal est coercitif et le devoir moral ne l’est pas.