Monthly Archives: octobre 2024

Non, cette vidéo présentée comme celle des jeunes affrontant des « microbes » n’a pas été tournée au Cameroun

La vidéo en circulation sur les médias sociaux montrant des jeunes qui s’affrontent n’a pas été tournée à Douala au Cameroun comme l’indique la légende. Il ne s’agit non plus du phénomène des « microbes ». La vidéo a plutôt été prise à Kinshasa en République démocratique du Congo (Rdc) et il s’agit ici du phénomène connu sous le nom de Kuluna

Une vidéo abondamment partagée sur les réseaux sociaux montre des jeunes qui s’affrontent à la machette. La légende annonce qu’elle a été tournée au quartier Village à Douala. Stopintox a vérifié pour vous.

La réponse est : NON

Contexte

La vidéo est abondamment diffusée sur les réseaux sociaux, particulièrement sur la messagerie WhatsApp depuis plus de deux semaines au Cameroun. La mention «Transféré de nombreuses fois» atteste de sa viralité. Le film de 26 secondes présente des jeunes dans un quartier malfamé qui pourchassent leurs semblables. Ils sont tous armés de machettes, de pelles, de pierres, et autres matériels.

La scène est d’une violence inouïe. On y voit l’un des protagonistes armé d’une machette qui essaie de se défendre avant de prendre la fuite en se jetant dans un drain. Cette vidéo commence à circuler au Cameroun au lendemain d’une attaque à Douala, de jeunes délinquants communément appelés «microbes ». Ces jeunes qui opèrent en bande ont sévi au quartier Bali et Bonapriso le vendredi 20 septembre 2024. Ils ont tué un homme lors de leur passage éclair et ont également agressé et dépouillé de nombreux autres habitants.

La légende qui accompagne cette vidéo indique qu’il s’agit d’une riposte des habitants de Elf Village, un autre quartier de la capitale économique, confrontés à une attaque de « microbes». « Scène incroyable à Douala!Elf village. Les gars du quartier se défendent contre les microbes. Ça c’est de la réaction. Si tout Douala réagit ainsi, ces vandales vont se recycler très vite », lit-on dans le message qui accompagne la vidéo virale.

Vérification  

Joint par téléphone, Evariste Djadja, le chef de bloc 5 du quartier Song Mahop, logé dans la zone Elf/Village, est formel. Il n’y a pas eu d’attaque de «microbes » à Elf ce mois, encore moins les mois précédents. Si une telle scène s’était produite dans la zone, relève -t-il, les comités de vigilance lui auraient aussitôt rapporté les faits. « Il y a deux comités de vigilance au quartier. L’équipe de jour et celle de nuit. Moi-même je suis dehors à chaque fois. Ces comités m’auraient saisi s’il y avait eu une telle scène », soutient Evariste Djadja.

Son supérieur hiérarchique, le chef du quartier Song Mahop, affirme avoir lui-même vu circuler cette vidéo dans la messagerie WhatsApp à travers son téléphone portable. «C’est un Fake. J’ai reçu la vidéo. Il n’y a pas un endroit à Elf qui ressemble au lieu où cette vidéo a été prise. Rien de ce genre ne s’est produit ici. C’est d’ailleurs même une mauvaise publicité pour le quartier », déplore Samuel Fana, le chef du quartier Song Mahop. 

Les ‘’Kuluna’’ à Kinshasa en Rdc

Dans les recherches avec Google image, on retrouve un Tweet sur X (anciennement Twitter) avec la même vidéo, 4 secondes plus longues (30 secondes). Le post date du 17 janvier 2022. L’auteur de cette publication est Bienvenu-Marie Bakumanya. Il est présenté dans sa biographie comme un journaliste congolais et directeur général de l’Agence congolaise de presse (Acp). Dans le message qui accompagne la vidéo, le journaliste indique que les faits se sont déroulés à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. « (…) ici des Kuluna (gangs) sont en action. Souvent, c’est sans raison apparente comme dans cette vidéo. Il faut mettre fin à cette forme de banditisme urbain qui fait des victimes parmi des innocents », écrit-il. Dans les commentaires, les internautes déplorent cette violence urbaine et s’offusquent de l’inaction de la police.

Contacté pour plus de précisions, le journaliste auteur du tweet fait savoir que cette vidéo a bien été prise à Kinshasa en Rdc en janvier 2022. Il n’en est pas l’auteur. Il dit l’avoir reçue d’un riverain (une dame), témoin de la scène. «La vidéo a été prise dans un quartier de la commune de Lemba au centre Est de Kinshasa. C’est une dame de ce quartier qui me l’a envoyée. Je travaillais à l’époque pour l’Afp (l’agence française de presse). Et c’était une information avérée», relate Bienvenu-Marie Bakumanya.

Un fait devenu banal à Kinshasa

Le journaliste congolais qui nous aide à comprendre le phénomène des Kuluna explique qu’il s’agit de jeunes garçons appartenant à des gangs, qui s’affrontent souvent sans raison apparente et régulièrement. «La nuit, ce sont des bandits. Ils agressent et dépouillent leurs victimes. Ils sont différents des shégués en ceci qu’ils sont sous le toit parental tandis que les shégués sont dans les rues », détaille Bienvenu-Marie Bakumanya.

Une autre recherche inversée avec une autre capture d’image de la vidéo en circulation oriente vers la page Facebook de Ticia24Tv. La publication date du 14 janvier 2022. Ici aussi, la vidéo est présentée comme tournée à Kinshasa, en Rdc. Le phénomène des Kuluna est également pointé du doigt. Le message qui accompagne la vidéo indique : «KINSHASA : Quand la vie sociale devienne dure , il y a risque de la naissance du banditisme urbain (KULUNA) ». Nous avons essayé en vain d’entrer en contact avec l’administrateur de cette page via Messenger et WhatsApp.

Mais pourquoi aucun résultat de notre recherche ne renvoie à un article de la presse locale en Rdc sur cet affrontement des Kuluna  dont la vidéo a été virale ? C’est que, explique Bienvenu-Marie Bakumanya, c’est un événement normal à Kinshasa. « C’est un fait tout à fait banal. Quand ils s’affrontent entre eux, ça n’intéresse personne. On n’en parle pas. C’est lorsqu’il y a beaucoup de victimes ou qu’une personnalité est touchée, alors la police intervient», explique le journaliste, directeur général de l’Agence congolaise de presse (Acp).

Verdict

La vidéo en circulation sur WhatsApp au Cameroun montrant des jeunes qui s’affrontent n’a pas été tournée à Douala comme l’indique la légende. Il ne s’agit non plus du phénomène des « microbes ». La vidéo a plutôt été prise à Kinshasa en République démocratique du Congo (Rdc) et il s’agit ici du phénomène connu sous le nom de Kuluna. La vidéo a été sortie de son contexte. 

Mathias Mouendé Ngamo

Non, un Chinois n’a pas été intronisé chef de 3ème degré à Ngaoundéré

Une image devenue virale sur la toile montre un Chinois vêtu majestueusement. La légende indique que l’homme a été intronisé chef de 3ème degré à Ngaoundéré au Cameroun. Stopintox avons vérifié pour vous.

La réponse est : NON

Contexte

La photo est partagée sur Twitter par ce compte le 03 octobre 2024. Elle présente six hommes, dont trois ressortissants asiatiques. L’un des asiatiques est vêtu majestueusement d’un grand boubou et d’un turban sur la tête. Il tient un bâton de commandement en main. Il est encadré par deux autres compatriotes asiatiques en pantalon et chemise. Trois autres hommes, visiblement des Camerounais, sont assis un palier plus bas, en boubou. La légende qui accompagne cette image indique « un chinois nommé chef de 3è degré à Ngaoundéré ( Cameroun)». En 24h, ce post a enregistré près de 50 000 vues, 153 Retweets, 66 commentaires et 330 mentions J’aime.

Vérification

Une recherche d’images inversée montre que cette photo virale avait déjà été diffusée il y a deux ans, en septembre 2022. L’image apparaît sur la page ‘’Belle destination Cameroun’’ qui compte 85 000 followers. Cette publication a également été partagée sur la page Stevy, 15 000 followers, entre autres. Chacune de ces publications a provoqué à chaque fois l’indignation et la déception des lecteurs qui l’ont exprimées à travers les commentaires. « C’est la folie », « Tout est gâté au pays », se révoltent des internautes. 

Contacté, Adolarc Lamissia, journaliste au quotidien Le Jour en service dans la région de l’Adamaoua, se souvient bien de cet évènement dont il avait assuré la couverture médiatique. «La photo est réelle, mais les commentaires autour sont faux. Il n’a pas été nommé chef de 3ème degré », précise -t-il d’entrée de jeu. Le reporter fait savoir que le chinois en question est le directeur général d’une concession automobile spécialisée dans la fabrication et la vente de camions, minibus et bulldozers de marque Long Star. Il s’est rendu ce jour-là à Ngaoundéré à l’effet d’ouvrir une succursale. « Il n’a pas été intronisé chef de 3ème degré. Le Lamido l’a fait chef de la communauté des chinois dans l’Adamaoua et ambassadeur auprès du Lamido ». 

Le journaliste qui réside dans la région va plus loin et parvient à identifier des personnes sur la photo en circulation. Il indique que les deux chinois qui encadrent leur compatriote présenté comme nouveau chef traditionnel sont ses collaborateurs. Celui à sa gauche, en chemise longue manche, a été présenté ce jour-là comme le représentant du concessionnaire à Douala. Sur le palier du bas, l’homme au milieu se nomme Ahmadou Abbo, (alias Falco). Il s’agit d’un opérateur économique connu de la région de l’Adamaoua, partenaire d’affaires du directeur général de la concession chinoise Long Star. « La photo a été d’ailleurs prise chez Abbo Ahmadou», précise Adolarc Lamissia. Falco est encadré par son frère cadet (à sa droite en lunettes) et celui pressenti comme le responsable de la représentation de l’entreprise qui sera installée prochainement à Garoua (à sa gauche). Joint à trois reprises pour plus de détails, le téléphone de Ahmadou Abbo a sonné dans le vide.

Conseiller du Lamido à titre honorifique

Contacté, Aboubakar, le secrétaire général et secrétaire particulier du Lamido de Ngaoundéré confirme que cette photo a été prise il y a deux ans à l’occasion de l’installation d’une entreprise chinoise au lieu-dit Carrefour Bois de Mardock .

« On l’a anobli en tant que conseiller du Lamido. C’est un titre honorifique. Une façon d’attirer les investisseurs et opérateurs économiques dans la ville de Ngaoundéré. Ce n’est que pour cela. Pour être chef traditionnel, il faut avoir un quartier. Demandez à ceux qui véhiculent ce fake news où se trouve son quartier à Ngaoundéré ? », détaille Aboubakar.   

Aussi, en tapant les mots clés « Long Star concession automobile » sur internet, nous sommes dirigés vers le portail Longstar Equipment Cameroun. L’un des deux contacts téléphoniques disponibles dans la page d’accueil du site internet sonne. « C’est une fake news. J’étais moi-même présent ce jour-là. », lâche le responsable au bout du fil. Il se refuse tout commentaire et nous recommande de joindre le directeur marketing de l’entreprise. Nos tentatives pour entrer en contact avec ce dernier n’ont pas abouti. Le téléphone de ce responsable a sonné en vain. Le site internet de cette entreprise indique qu’un démembrement de cette entité se trouve à Douala à la nouvelle route Bessengue.

Verdict

S.M. Mohamadou Hayatou Issa, le Lamido de Ngaoundéré au Cameroun, n’a pas intronisé un Chinois au poste de chef de 3ème degré. La photo en circulation dans les réseaux sociaux a été prise en 2022 et est sortie de son contexte. Il s’agit, après vérification, d’un titre de conseiller du Lamido à titre honorifique qui a été attribué à un concessionnaire automobile chinois lors de l’installation d’une représentation de son entreprise dans la région de l’Adamaoua.

Mathias Mouendé Ngamo

Non, cette vidéo montrant une école qui s’effondre sur les élèves ne provient pas de l’Extrême-Nord du Cameroun

Un post X (anciennement Twitter) avec une vidéo laisse croire que la bâtisse d’une école est tombée sur les enfants à l’Extrême-Nord du Cameroun.

Stopintox a vérifié pour vous, la réponse est : NON

Un compte X intitulé Capt. Marco Reus a publié une vidéo présentant un éboulement des murs d’une salle de classe sur des élèves. Le texte qui accompagne le post dit qu’il s’agit d’une école dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun et pointe un doigt accusateur sur le ministère en charge de l’éducation de base: « Une école dans l’Extrême Nord est finalement tombée sur les enfants. Mais que fait le Ministère de l’éducation de base ??? Que fait notre gouvernement ??? Seigneur j’espère qu’il y’a pas eu de pertes en vies humaines. ». La publication enregistre 20 commentaires, 258 partages, 176 likes et 18 bookmark, au moment de la mise sous presse de l’article. Par ailleurs, la vidéo comptabilise aussi 32100 vues. Cette publication intervient dans le contexte des inondations dans la région de l’Extrême-Nord, précisément dans les départements du Diamaré, Logone et Chari, du Mayo-Danay et du Mayo-Tsanaga, qui ont causé des dégâts considérables.

Vérification

En parcourant les commentaires sous la publication, nous sommes tombés sur un commentaire qui dit plutôt que l’éboulement a eu lieu en République démocratique du Congo. « C’est pas à l’extrême Nord du Cameroun. Les gens ont pris cette vidéo qui été filmée en RDC pour propager des fausses informations », peut-on lire. Le commentaire est accompagné d’une capture photo qui apporte plus de précisions sur le lieu du drame. Pour avoir une idée claire sur l’origine de la vidéo, nous avons fait appel aux outils de vérification. Les recherches d’images inversées avec TinEye, Yandex, Google Fact-check Tools, BingImage n’ont pas données des résultats concrets.

Une recherche d’image inversée avec Google Lens nous a conduit vers plusieurs résultats que nous avons dépouillés pour éclaircir la situation de l’origine de la vidéo qui fait l’objet de vérification. Un des résultats nous dirige vers une chaîne YouTube qui a mis la même vidéo en ligne le 25 septembre 2024, avec comme titre : «Sankuru : une salle de classe en chaume s’écrase sur des élèves ». Une recherche Google avec le mot-clé « Sankuru » a permis de savoir qu’il s’agit du nom d’une province de la RDC. Un autre résultat également nous oriente vers une publication X qui stipule que le drame montré dans la vidéo a eu lieu en RDC et la publication date de janvier 2024.

Une autre recherche Google avec le mot-clé « écroulement d’une école à Sankuru », a orienté Stopintox vers des résultats qui montrent que la vidéo a été prise en RDC. Contrairement aux résultats par recherche d’image inversée qui ont été publié en septembre 2024, la majorité des résultats de la recherche par mot-clé indique plutôt que l’écroulement du mur de l’école dans la province de Sankuru est survenu en janvier 2024. Par exemple, un article de APIC TV intitulé : «Sankuru: Halte à l’intox, l’école s’est écroulée à Tshumbe et non à Lomela», précise que le drame s’est déroulée le 13 janvier 2024, vers 11 heures locales, à l’école primaire MUTSHILUA du 28e CMUCC implantée au centre de Tshumbe.

Verdict

En conclusion, nous pouvons dire que la vidéo de l’écroulement du mur de l’école n’a pas eu lieu à l’Extrême-Nord du Cameroun, mais plutôt à Tshumbe, dans la province de Sankuru en RDC. C’est une vidéo hors contexte.

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